Il n’aura pas échappé aux plus sagaces que le mot ‘kamikaze’ était autrefois présent dans l’intitulé de ce site.
Ce titre de Mille bouteilles kamikazes venait d’une bande dessinée enlisée et abandonnée dans mes vertes années.
Je tentais alors d’écrire le livre décrit par Borges dans le Jardin aux sentiers qui bifurquent, mais
- muet (uniquement des onomatopées, des soupirs, des cris inarticulés et des portes qui claquent, ce genre de choses)
- empruntant visuellement à Todd Browning et Jérôme Bosch
Autant dire que c’était un projet parfaitement séduisant et voué à l’échec.
Il y avait là-dedans des sortes de réalités parallèles mais simultanées (si vous avez lu le Jardin aux sentiers qui bifurquent vous saurez pourquoi. Sinon, allez le lire, et fissa). Dans ces simultanéités étaient des bouteilles de champagne qui pouvaient être ou ne pas être pleines de nitroglycérine, et avec lesquelles il était question de baptiser de grands transatlantiques. Il y avait également des personnages très méchants qui ne dînaient que de pandas et d’autres espèces menacées, des femmes superbes, mystérieuses et indestructibles, des passages vraiment très effarants de drame mélancolique, du mélo, du slapstick, des prouesses rythmiques qui ne pouvaient que révolutionner la narration séquentielle, des choses inouïes dont seule une maigre partie me revient. C’était tout dessiné à la sergent major et je peux vous dire que j’en chiais des ronds de chapeau, surtout pour dessiner les femmes superbes déjà mentionnées.
Évidemment le terme de kamikaze était déjà utilisé à l’époque pour qualifier les connards désespérés qui se font sauter au milieu de la foule, mais bon, c’était loin… L’esprit de mon kamikaze était plutôt au divertissant japonais fanatisé d’antan, dans son mitsubishi zéro, qui n’avait plus fait de mal depuis 1945 – autant dire qu’on lui pardonnait.
Si vous êtes de ces lecteurs particulièrement sagaces, que vous avez tenu jusque là et que vous recevez la presse, je suppose que la récente actualité kamikazière parisienne ne vous a pas échappé non plus.
Quand je me connecte à ce site aujourd’hui, je dois bien admettre que je n’aime pas vraiment écrire ‘kamikazes’ dans la barre de recherche. Je ne me sens pas d’affinité particulière avec le désir de mort. Si vous avez fréquenté des adolescents, des fascistes ou Georges Bataille, vous voyez sans doute ce que je veux dire. S’il y en a que ça fait encore kiffer d’imaginer leur enterrement, de décimer des infidèles, d’être bien contents quand ils seront morts, ou de sodomiser des ménagères en léchant des yeux de curés sous des christs endoloris – eh bien qu’ils fassent un club entre eux, voyez.
Pour ma part je me satisferai de plaisirs plus simples. Pour clarifier ma non-appartenance au club de la bandaison funèbre, je change l’adresse et le titre de ce site. Comme je suis resté très simple, l’adresse est désormais marcellorompivetro.fr, vous le savez sans doute puisque vous êtes là.
Quant au titre, je me rabats sur un autre emprunt à Borges pour l’instant, mais ça changera sans doute par coquetterie.
PS : j’aimerais autant qu’on ne vienne pas me dire que j’ai mal lu Bataille. C’est possible, je m’en fous. Je préfère lire une liste de courses de la main de Beckett à n’importe quoi de Bataille.